
Pierre Poilievre et ses étranges compagnons de route
Petite sociologie d'une droite en expansion
Écrit par Lola Tremblay
Publié le 26 avril 2025
Bienvenue dans la coalition la plus étrange du Canada.
Pour bâtir son ascension au sommet du Parti conservateur, Pierre Poilievre a fait preuve d’une rare flexibilité idéologique. Son secret ? Agrandir sa tente politique… quitte à y accueillir tout un carnaval d’alliances, de l’extrême droite anti-système aux groupes ultra-conservateurs sociaux.
Économiste libertarien autoproclamé, Poilievre incarne la droite classique du « moins d’État, plus de marché ». Pourtant, pour sécuriser la chefferie (et bientôt, peut-être, le 24 Sussex Drive), il s’est appuyé non seulement sur la droite morale — ultratraditionnelle, antiavortement, farouchement opposée aux droits LGBTQ+ — mais aussi sur une mosaïque de mouvances conspirationnistes, anti-État et parfois suprémacistes.
Ce mélange des genres est loin d’être anecdotique. Selon l'Institut anti-haine du Canada (2023), plusieurs figures du « Convoi de la liberté » — appuyé publiquement par Poilievre — entretenaient des liens avec des groupes d’extrême droite identitaire.
Un œil fermé (et l’autre qui cligne)
Pendant que ses députés paradent aux côtés de militants anti-avortement ou transphobes, Pierre Poilievre maîtrise l’art du « je-ne-sais-pas-de-quoi-vous-parlez ». Cette stratégie de silence complice permet à son parti de consolider une base ultra-motivée... tout en maintenant une façade présentable pour l’électorat plus modéré.
Dans ses discours, son obsession du « wokisme » n’est pas anodine non plus : il s’agit de fédérer une grogne culturelle plus large contre toute politique perçue comme progressiste, inclusive ou égalitaire. La tactique est classique : on fabrique un épouvantail, on s’en indigne bruyamment... et on évite de parler de sa propre coalition pour le moins éclatée.
Du Convoi à la droite dure : anatomie d'une base en colère
« Pierre veut libérer les Canadiens. » L'affirmation a de quoi faire sourire lorsqu'on regarde ce que son concept de liberté recouvre réellement.
Derrière l’étiquette séduisante, on découvre une philosophie libertarienne extrême : moins de lois, moins de services publics, moins de protections collectives. Sa vision ? Un État minimaliste où chacun se débrouille dans le marché libre — ou, pour citer Hobbes, « la guerre de tous contre tous ».
Son soutien enthousiaste au Convoi de la liberté en 2022 en est l’illustration parfaite : il s’agissait moins de défendre la « liberté » que de s’opposer à toute intervention étatique en matière de santé publique pendant une crise sanitaire historique .
Moins d’État, plus de chaos : la jungle selon Pierre
Dans cette société rêvée par Poilievre, la liberté n’est pas pour tous : elle est proportionnelle à votre compte en banque. Moins d’impôts, moins de régulations économiques, moins de redistribution : c’est l'idéal d'un monde où les ultra-riches prospèrent pendant que les autres peinent pour accéder aux services de base.
On sait d'ailleurs ce que donnent concrètement ces politiques : les provinces canadiennes ayant mis en œuvre ce genre de programme (ex. : l’Alberta sous Jason Kenney) ont vu les inégalités exploser, les services publics s’effriter, et les plus vulnérables être laissés pour compte (The Canadian Centre for Policy Alternatives (CCPA)).
Une question sérieuse sous l'ironie :
Quelle société veut-on vraiment ?
Pierre Poilievre se présente en sauveur contre « l’État oppresseur », mais derrière ce masque souriant se cache un projet politique aux conséquences lourdes : une société fragmentée, individualisée, où les solidarités collectives s’érodent au profit de privilèges pour les plus forts.
La véritable question est donc : veut-on vraiment troquer nos hôpitaux publics, nos écoles accessibles, nos protections sociales contre un mirage de "liberté" réservé à ceux qui peuvent la payer ?
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Connivence avec Trump
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